Quand nous arrivons sur le lieu de départ, les voyageurs sont très nombreux, de toutes générations, à l’écoute, attendant l’envol. Nous nous faufilons parmi eux pour ne rien rater. Dés l’arrivée du violoniste Iacob Macuica, l’atmosphère est à la détente et à la musique : les bouches se ferment, les regards se fixent, la lumière s’éteint, et tout ce vide laisse retentir le son chaud et lyrique du violon tzigane, comme venant de nulle part.
La première partie était la présentation du travail d’un an d’Iacob Macuica avec les élèves de la Maisondes arts de St Herblain, le projet étant de transmettre les airs traditionnels d’Europe de l’est de manière orale. C’est donc avec une vingtaine de jeunes violonistes que le concert commence, entre musiques tziganes, swing et classique. Le résultat est très impressionnant, le travail effectué est propre et efficace, mais on est content de voir arriver la deuxième partie où le quatuor se donnera beaucoup plus de liberté.En effet, on se rend vite compte que l’on a devant nous quatre virtuoses (Violon : Marian Iacob Maciuca, piano : Gerardo Jerez-le cam, contrebasse : Sergiu Brasovean, Cymballum : Mihaï Trestian). On sent que les quatre compères tournent ensemble depuis plusieurs années, le feeling donne une cohésion de groupe impressionnante, malgré des structures complexes et travaillées. Toujours sur une base tzigane, les musiciens se donnent à cœur joie, s’appropriant les musiques traditionnelles dans la technique et la sensibilité musicale.
Quand l’entracte nous coupe dans notre voyage, on est satisfait de l’entrée en matière, et en grande hâte de découvrir nos amis Les violons barbares !
Nous revenons donc dans la salle d’embarquement après une petite pause. Et là, les premières notes sont déjà prometteuses d’une épopée inhabituelle dans une rythmique efficace et accrocheuse. D’ailleurs, les spectateurs approuvent dès la fin de la première chanson, avec des applaudissements conséquents accompagnés de cris en guise de « merci ». Nos amis apprécient cet accueil et continuent dans leur lancée.
Sur scène, un power trio digne de ce nom : un mongole à la vièle à tête de cheval - kamorin khoor (violon mongole), un bulgare au gadul (violon bulgare) et un français devant un beau set percussif ! Venus de trois coins du monde, ils nous donnent à rêver en mélangeant ces différents horizons pour trouver une cohésion singulière et puissante. Chaque chanson raconte une histoire. Nous sommes bouche-bée devant cette représentation épique, lointaine, imposante et transcendante... Mélange des balkans, de l’asie (Inde et Hymalaya) allant parfois jusqu’à des rythmes tribals, jusqu'à la transe (voire plus encore !) : couleur indescriptible qui est celles des Violons barbares ! Nous vibrons au son des violons et des percussions. Les voix viennent et repartent entre chant mongole, bulgare et diphonie redoutable du violoniste mongole. On sent là des vrais artistes, en recherche constante de nouvelles sonorités : avec seulement 5 cordes frottées et 3 peaux de chèvres, ils nous emènent toujours plus loin, sans jamais nous lacer, développant jusqu’au bout chaque thème, chaque son, chaque note, chaque émotion. Et c’est un vrai partage car le trio prend plaisir et ne le cache pas !
Bref, un groupe à suivre absolument, à soutenir, à voir et à revoir, car c’est toujours un nouveau voyage !
Et je vous laisse sur un petit souvenir :
Et comme prévu une interview écrite du groupe :
Comment trois origines si lointaines (avec les différences de cultures qui vont avec) ont pu se rencontrer et enfanter un projet d'une couleur si unique ?
Dimitar Gougov Tout a débuté en 2006 par ma rencontre avec Dandarvaanchig Enkhjargal (résidant à Karlsruhe, Allemagne), lors du projet la Route de la Soie dans lequel nous faisions partie. Tout de suite j'ai eu envie de mêler les sonorité de la gadulka et le morin khoor, en plus, il y avais le chant de gorge (très impressionnant !!!). Alain Bormann, qui organisait le festival des Rencontres du violon en Ils de France (Ris Orangis) et a été très intéressé par cette rencontre. Il nous a programmé en janvier 2008 comme "duo" Gougov - Enkhjargal. Au final, nous sommes venu à trois… avec le percussionniste Fabien Guyot, qui comme moi, vie à Strasbourg et fait partie du Grand Ensemble de la Méditerranée du collectif l'Assoce Pikante.
Fabien Guyot Nous avons débuté par trois concerts à moitié improvisés, c'est à dire que chacun a ramené son bagage (mélodies traditionnelles, instrumentarium, chants) avec comme objectif de jouer 1h en trio. C'était bien mais on a surtout senti qu'il y avait derrière cette rencontre qu'il y avait des envies à approfondir, une grande ouverture stylistique, une volonté d'énergie... bref nous nous sommes rendu compte qu'au-delà de restituer des morceaux traditionnels nous nous retrouvions 3 musiciens avec chacun un énorme appétit musical !!!!
Même si votre musique est singulière, elle se compose nettement d'identités culturelles différentes, quelles sont vos influences (époque, style, région/pays, artistes...) ?
Fabien Guyot Il suffit de regarder notre boîte à CD lorsqu'on part en tournée, ça change tout le temps ; citons tout de même quelques références personnelles en vrac :
pour le son des cordes : un bel enregistrement de musique baroque dans une chapelle
pour l'énergie : Keziah Jones
pour le groove : le trio Morphine
pour regarder le paysage défiler dans la voiture : les chanteurs africains comme Boubacar Traoré, Habib Koité, Bonga Angola
pour rouler de nuit quand les autres dorment : Steve Reich (Desert Music) ou Bjork
pour rêvasser un peu : Camille , Bjork, Atuhalpa Yupanqui
pour les mots et les récits : l'intégrale de Brassens, Serge Geinsbourg
pour chanter : les Beatles!!!!!!!
Quand vous jouez, vous habitez l'environnement de votre musique, où allez-vous chercher une telle énergie ? Est-ce juste un amour que vous voulez partager, ou cela va au-delà ?
Fabien Guyot C'est incroyable ce que peut provoquer le simple fait de monter sur une scène : tous les bobos, la fatigue, les coups de blues… envolés aux premières notes! Envie de se faire plaisir bien sûr, de se faire du bien, envie de partager le moment et de remercier les spectateurs de répondre présents à notre invitation en y mettant le meilleur. Certains spectateurs me parlent de ce qu'ils ont vu sur scène et de qu'ils ont ressenti de leur côté : de la complicité, du sourire, de l'amusement, de la rêverie, du partage. Parfois ils oublient de me parler de la musique, je trouve çà assez génial et touchant que les émotions puissent prendre le dessus sur les outils qui les servent.
Comment voyez-vous l'avenir des "Violons Barbares" ?
Fabien Guyot Comme dirait Epi (notre musicien mongole) des Grands Stades et des Zéniths!!! Blague à part, nous avons un programme passionnant qui nous attend notamment cet été et la saison prochaine, le groupe s'exporte progressivement (Benelux, Italie, Allemagne, Finlande, Québec, Estonie); nous avons la chance d'évoluer dans un style de musique qui attire tous types de public! Quel bonheur de voir toutes les générations partager le même spectacle! C'est un privilège pour nous. Nous visons un deuxième album et aspirons à creuser notre style; à affiner notre identité musicale en nous penchant de plus en plus vers la composition.
Que pensez-vous de la scène musicale actuelle ?
Fabien Guyot Difficile d'avoir un avis global sur cette question mais j'ai parfois l'impression qu'il y a un repli sur des esthétiques du passé, comme une nostalgie; tous ces chanteurs et chanteuses soul blues qu'on entend sur les ondes qui ont des voix magnifique me font parfois penser à des clones de la Motown.
Que souhaitez-vous au monde aujourd'hui ?
Fabien Guyot de se mettre au diapason de la nature.
Capolunik & Kantun
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